Accident de service et IFSE : un vide juridique au détriment des agents territoriaux

Accident de service et IFSE : un vide juridique au détriment des agents territoriaux

La question du maintien de l’IFSE durant un arrêt de travail est déjà complexe lorsqu’il s’agit d’un congé maladie ordinaire. Elle devient encore plus problématique lorsqu’on aborde le cas des arrêts imputables au service, accidents de travail ou maladies professionnelles, alors même que ces situations devraient logiquement relever du principe de réparation intégrale.


À titre d'exemple, une délibération assez récente de Selles-sur-Cher, prévoyant notamment la suspension du versement de l’IFSE au-delà du 16ème jour d’arrêt, y compris en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, confirme l’existence d’un vide juridique et d’importantes disparités territoriales.

 

Ce sujet n’est aujourd’hui ni encadré par la loi, ni harmonisé nationalement, ce qui expose des agents à des pertes salariales liées… à un accident ou à une maladie imputable à leur employeur.

 

Ce que prévoit aujourd’hui le droit


Dans la fonction publique territoriale, aucun texte ne garantit le maintien de l’IFSE en cas d’arrêt maladie, y compris lorsque celui-ci est imputable au service.


Les seules garanties statutaires concernent :

  • le traitement indiciaire,
  • l’indemnité de résidence,
  • et le supplément familial de traitement.

Pour le reste (dont le régime indemnitaire, et notamment l’IFSE) la collectivité est libre de décider, dans la limite :

  • du principe de parité avec l’État,
  • et de l’interdiction d’accorder un régime plus favorable que celui applicable aux fonctionnaires d’État dans une situation comparable.

Le décret CITIS n’a pas réglé cette question, alors même qu’il vise précisément les arrêts imputables au service.

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Ce que rappelle la jurisprudence


Trois décisions administratives majeures éclairent la situation :

 

CE, 14 nov. 2014 (n°357999) : Reconnaît le principe de réparation pour un agent victime d’un accident imputable au service, y compris au-delà des prestations statutaires classiques.
CE, 22 nov. 2021 (n°448769) : Une collectivité ne peut maintenir automatiquement l’IFSE en CLM/CLD, car les fonctionnaires de l’État n’en bénéficient pas.
CE, 4 juillet 2024 (n°462452) : Le maintien du régime indemnitaire en cas d'accident ou de maladie imputables au service peut être prévu par délibération locale (dans le respect de la parité), mais n’est pas obligatoire.

Autrement dit : En CITIS, rien n’interdit le maintien de l’IFSE mais rien ne l’impose non plus...


Ce flou ouvre la porte à des pratiques très différentes selon les collectivités, certaines maintenant l’IFSE dès le premier jour, d’autres la supprimant même en cas d’accident de service.

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Le cas Selles-sur-Cher : illustration d’un vide juridique


La délibération de Selles-sur-Cher illustre parfaitement ce manque d’harmonisation : l’IFSE y est suspendue au-delà du 16ème jour d’arrêt, sans distinction entre une maladie ordinaire et un arrêt lié à un accident de service ou une maladie d'origine  professionnelle.

 

Cela pose une question simple : Comment justifier qu’un agent blessé dans l’exercice de ses fonctions, du fait d'une négligence de son employeur, puisse perdre une part importante de sa rémunération ?


Ce choix légal sur la forme est problématique sur le fond, car il contredit :

  • le droit du travail,
  • le principe de réparation en cas d’imputabilité au service,
  • la logique protectrice du statut de la fonction publique et créé une fois de plus une inégalité de traitement entre les fonctions publiques.

Une clarification est urgente nécessaire


Ces dernières années et à plusieurs reprises, l’UNSA Territoriaux a déjà alerté :

  • lors des discussions préalables au CSFPT sur le projet de décret CITIS,
  • la DGCL,
  • le gouvernement via une question parlementaire posée par le député Régis Juanico à la demande de la Fédération UNSA Territoriaux. 

Pour l’heure, les agents territoriaux restent moins protégés que les fonctionnaires de l’État et... que les salariés du secteur privé, lorsqu’ils sont victimes d’un accident du travail ou d'une maladie imputable au service .

 

Cette situation crée donc  :

  • Une inégalité de traitement avec les salariés du secteur privé et les fonctionnaires d'état mieux traités.
  • des inégalités entre agents territoriaux selon leur employeur,
  • une insécurité juridique pour les collectivités face à une complexité difficile à appréhender par les non spécialistes,

et une perte de sens du principe de protection statutaire.

La position de l’UNSA Territoriaux


L’UNSA demande :

  • L'égalité de traitement avec les salariés et agents de l'Etat  : maintien obligatoire du régime indemnitaire lors d’un arrêt imputable au service.
  • Une harmonisation nationale : pour mettre fin aux disparités locales.
  • Une évolution réglementaire cohérente avec le droit commun : un agent blessé ou malade du fait de ses fonctions ne doit pas supporter une perte de rémunération.

Avec la hausse des arrêts de travail liés à la maltraitance des agents, ce sujet, longtemps perçu comme technique ou secondaire, devient désormais un véritable enjeu d’égalité sociale et de reconnaissance du service public territorial. L’UNSA poursuivra ses actions juridiques, institutionnelles et syndicales afin que cette anomalie soit enfin corrigée.