Baisse de l’indemnisation des arrêts maladie : une réforme aux effets pervers

Baisse de l’indemnisation des arrêts maladie : une réforme aux effets pervers

Depuis le 1er mars, les agents publics en congé maladie ordinaire (CMO) ne perçoivent plus l’intégralité de leur rémunération pendant les trois premiers mois d’arrêt. L’indemnisation a été abaissée à 90 % du traitement, alors même que le jour de carence reste appliqué. Cette mesure devait être un moyen d’enrayer l’absentéisme dans la Fonction Publique Territoriale et d’alléger les dépenses publiques. Huit mois après, les retours permettent d’en mesurer les effets réels : économies limitées, pas de baisse significative des arrêts maladie et une apparition de comportements de contournement qui interrogent.


Des économies marginales pour les collectivités


Les données recueillies auprès d’un panel représentatif de collectivités montrent que les économies générées par la baisse d’indemnisation restent extrêmement faibles. Pour les agents affiliés à la CNRACL, la réduction de traitement ne représente en moyenne que 0,17 % de la masse salariale depuis le printemps 2025.

 

Pour une collectivité qui dispose d’une masse salariale de 25 millions d’euros, cela équivaut à environ 42 500 euros d’économies annuelles : un montant très modeste au regard des enjeux qui avaient été avancés lors du vote de la réforme.

 

En clair, l’impact budgétaire est loin d’être à la hauteur de l’ambition affichée.

Pas de baisse constatée de l’absentéisme


L’un des objectifs principaux était de freiner les arrêts maladie considérés comme « évitables ». Pourtant, l’analyse des données d’absentéisme ne révèle aucune diminution notable :

  • La fréquence des arrêts maladie reste similaire aux années précédentes.
  • La durée moyenne des arrêts ne montre pas de raccourcissement significatif.
  • Les courbes suivent la même saisonnalité que lors des trois dernières années.

Autrement dit, la baisse d’indemnisation n’a pas modifié durablement les comportements des agents en matière d’arrêt maladie.

 

Des effets de bord qui s’accentuent


Si la réforme n’a pas atteint son objectif principal, elle semble en revanche provoquer des dérives préoccupantes :

• Arrêts plus longs : Plusieurs collectivités constatent que les agents qui s’arrêtent le font parfois pour des périodes plus longues. La perte de rémunération n’a donc pas l’effet dissuasif escompté.

 

• Hausse des accidents de service et des mi-temps thérapeutiques : le nombre de déclarations d’accidents de travail, d’accidents de trajet ou de demandes de temps partiel thérapeutique augmente progressivement. 

 

• Un risque accru de “présentéisme” : la peur d’une baisse de rémunération pousse certains agents à continuer de travailler malgré une maladie déclarée. Ce phénomène est bien documenté : il aggrave l’état de santé, favorise la contamination des collègues et peut déboucher sur des arrêts plus longs, voire plus lourds, à terme.

Ces effets secondaires étaient déjà observés lors de l’instauration du jour de carence. Les études menées par différentes institutions (Insee, Dares, DGAFP…) avaient montré que les mesures de sanction financière ont des effets immédiats mais rarement durables, et qu’elles génèrent des conséquences contre-productives.

 

Quelles conséquences pour les agents territoriaux ?


Sur le terrain, la réforme est perçue comme injuste et pénalisante, particulièrement pour les agents aux rémunérations les plus modestes :

  • La perte pouvant atteindre plusieurs dizaines d’euros par mois représente un véritable recul de pouvoir d’achat.
  • Le sentiment d’une protection statutaire affaiblie fragilise la confiance envers l’employeur public.
  • La crainte de perdre 10 % de sa rémunération dès le début d’un arrêt peut détériorer la santé, notamment dans les métiers les plus exigeants physiquement (petite enfance, propreté, médico-social, voirie, etc.).

Les collectivités ne sont pas non plus gagnantes : les remplacements deviennent plus complexes, l’organisation des équipes s’en ressent, et la mesure ne réduit en rien l’absentéisme global.

 

La position de l’UNSA Territoriaux


Pour l’UNSA Territoriaux, la réforme confirme ses limites : elle ne réduit pas l’absentéisme, affaiblit le pouvoir d’achat des agents, et entraîne des effets indésirables qui peuvent coûter plus cher à long terme.


Nous réaffirmons que la lutte contre l’absentéisme ne peut pas reposer sur la pénalisation financière des agents. Elle doit s’appuyer sur :

  • l’amélioration des conditions de travail ;
  • une politique réelle de prévention et de santé au travail ;
  • un maintien de salaire garanti pour permettre un arrêt digne et responsable ;
  • une analyse objective des causes d’absentéisme (pénibilité, effectifs insuffisants, organisation du travail).

Il est indispensable de privilégier une logique de prévention et de protection, plutôt qu’une logique de sanction.


Huit mois après son entrée en vigueur, la baisse de l’indemnisation des arrêts maladie apparaît comme une mesure inefficace et socialement coûteuse. Les économies sont marginales, l’absentéisme ne recule pas et des effets pervers émergent, au détriment des agents comme des employeurs publics.

 

Pour l’UNSA Territoriaux, cette réforme doit conduire à une réflexion plus large : la santé au travail n’est pas une variable d’ajustement budgétaire, mais un pilier essentiel pour garantir un service public de qualité et des conditions de travail dignes.

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