Discipline : pas d’obligation à communiquer d'emblée l’ensemble du dossier

Discipline : pas d’obligation à communiquer d'emblée l’ensemble du dossier

Un garde-champêtre employé par la commune de Plouha, dans les Côtes d’Armor, avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire du 4ème groupe, en l’occurrence de deux ans d’exclusion. Il a contesté en référé, notamment sur la consultation du rapport à charge dans son dossier administratif.


Dans cette bourgade bretonne de 4500 habitants, il avait été reproché au garde-champêtre un certain nombre de faits :

  • Lors du confinement de 2020, il s’était fait photographier à plusieurs reprises en tenue de travail, sur la voie publique, notamment une aire de jeux pour enfants et un banc public, dans des positions peu compatibles avec l’exercice de ses fonctions alors même qu’il était susceptible d’être vu par la population ;
  • Il avait signé en juin 2022, et reconnu l’avoir fait, un arrêté portant autorisation d’occupation du domaine public sans toutefois bénéficier d’aucune délégation de signature en la matière ;
  • Il avait commandé, sur ses deniers personnels, des éléments d’uniforme siglés « police municipale », dont il envisageait le remboursement par son employeur. Il l’a reconnu ;
  • Il avait installé sur son poste informatique une application cinéma susceptible d’affecter la sécurité informatique même si la mairie n’avait pas rédigé de charte informatique . Il l’a par la suite reconnu ;
  • Il avait synchronisé son téléphone professionnel avec son compte Google personnel, ce qui a fait apparaître sur le téléphone, susceptible d’être utilisé par des tiers, des onglets de connexion vers des sites de rencontre, fréquentés par des personnes usant de pseudonymes particulièrement explicites ;
  • Il avait proféré, devant témoins, une menace à l’encontre du maire lorsque lui avait été notifiée sa suspension de fonctions à titre conservatoire.

Le garde-champêtre conteste en référé

 

Le garde-champêtre a saisi la justice en référé en arguant de deux points :

  • Privé de son traitement et sans possibilité de demander l’allocation de retour à l’emploi, avec le seul RSA, il ne pouvait plus assumer ses charges financières fixes et incompressibles. C’est sur ce point qu’il argue de l’urgence, en l’occurrence estimant qu’il y a préjudice de manière grave et immédiate à sa situation professionnelle et financière ;
  • Il contestait le respect de la procédure, estimant ne pas avoir trouvé dans son dossier administratif les éléments de la procédure, lors de sa consultation en mairie.

La juge en référé n’a pas repris l’argument de la diminution des ressources financières. Mais jugeant que les faits et la proportionnalité du projet de sanction ne « semblent pas créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté en litige », la juge valide implicitement l’argument de la mairie : rien ne l’empêche de prendre un autre emploi (dans le secteur privé).

 

Concernant la procédure disciplinaire, la juge en référé du tribunal administratif de Rennes l’a débouté à plusieurs titres. Tout d’abord, il avait pu consulter son dossier en mairie, et y avait, certes, constaté que n’y figurait pas le rapport à charge. Toutefois, les deux convocations envoyées par le Conseil de discipline, plus d’un mois et demi après qu’il a consulté son dossier en mairie, lui offraient la possibilité de requérir la consultation intégrale de son dossier. Ce qu’il n’a pas fait. La juge rappelle même que « l’administration n’a pas obligation à communiquer spontanément l’ensemble de son dossier individuel à l’agent concerné, mais seulement à le mettre à même d’en demander la communication…/… Il appartenait donc à l’agent de solliciter de nouveau, ultérieurement, la communication de son dossier dont il savait qu’il allait être complété ».

 

Le garde-champêtre a été débouté de sa demande en référé. La contestation de cette procédure devant le tribunal administratif suivra donc son cours, en procédure habituelle.

 

Ce qu’il faut retenir

  • Des faits peuvent être reprochés jusqu’à 3 ans, au maximum, après la connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur de faits passibles de sanction.
  • L’administration n’est pas obligée de placer dans le dossier administratif de l’agent les éléments à charge avant l’envoi du dossier au Conseil de discipline.
  • C’est pourquoi il faut toujours demander la consultation du dossier administratif au Conseil de discipline, même si le dossier a été consulté en mairie, préalablement [à son envoi au Conseil].

Tribunal administratif de Rennes, ordonnance n°2300497 du 17 février 2023

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