Libre administration : les maires n'ont pas tous les droits !

Libre administration : les maires n'ont pas tous les droits !

Le principe de libre administration des collectivités locales autorise-t-il un maire ou un président d’exécutif à s’affranchir de toutes les règles ?


Certains collègues nous font remarquer qu’il est fréquent que des élus territoriaux s’appuient sur ce principe pour refuser d’accorder un droit individuel ou collectif édicté par des dispositions législatives (loi) ou réglementaires (décrets et arrêtés).

 

Or, contrairement à certaines idées reçues, le principe de libre administration ne constitue pas une base juridique suffisante pour refuser ou accorder un droit aux agents. En effet, ce principe régit les conditions constitutionnelles au regard desquelles le législateur peut adopter les lois concernant les collectivités locales. Il ne concerne pas directement les relations d’un agent avec son administration. 

 

Ce principe est tiré de l’article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose que : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. » 

 

A défaut de précision, la doctrine juridique reconnaît que ce principe recouvre l’ensemble des garanties préservant l’existence des collectivités territoriales au regard de l’organisation décentralisée de l’État.

 

Que garantit réellement ce principe ?

Il permet aux collectivités territoriales de défendre leur autonomie. Le principe de libre administration implique que les pouvoirs essentiels au sein des collectivités territoriales soient confiés à des assemblées élues. Ainsi, les autorités locales ne peuvent pas être désignées par le représentant de l’État.

 

La libre administration des collectivités territoriales implique aussi la liberté d’organisation des collectivités territoriales qui induit que celles-ci organisent leurs services comme elles le souhaitent.

 

Le principe de libre administration sous-tend l’existence d’attributions effectives que la loi doit reconnaître aux conseils élus. La notion d’attributions effectives suppose que les collectivités territoriales puissent disposer d’une capacité de décision qui leur permette de gérer leurs propres affaires. A titre d’illustration, le Conseil Constitutionnel (Conseil constitutionnel, 20 janvier 1984, n°83-168 DC) a ainsi censuré des dispositions de la loi relative à la fonction publique territoriale qui privaient les collectivités du droit de procéder librement à la nomination de leurs agents, en considérant que la liberté de décision et de gestion des collectivités en matière de personnel était inhérente à la libre administration.

 

La libre administration des collectivités locales dépend aussi des moyens financiers qui leur sont dévolus. Le Conseil constitutionnel a jugé que les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources globales des collectivités locales ou même de réduire la part des recettes fiscales dans ces ressources au point d’entraver leur libre administration. En outre, les collectivités territoriales doivent conserver la liberté d’utiliser leurs ressources : les dépenses obligatoires prévues par le législateur doivent être définies « avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration »( Cons. Const. 29 mai 1990, n°90-274 DC).

 

Qui est chargé d’encadrer le principe de libre administration ?

C’est le Conseil constitutionnel et sa jurisprudence qui, au cas par cas, déterminent le contenu du principe de libre administration. Le principe de libre administration des collectivités territoriales est décliné par les lois de décentralisation. Si ces dernières déterminent la constitution de collectivités territoriales sous forme de structures autonomes de droit public, elles impliquent également que l’État exerce un contrôle strict sur l’exercice des compétences qui leur sont confiées par le législateur.

 

En bref, la décentralisation repose donc sur un équilibre entre le principe de libre administration et l’autonomie encadrée sous le contrôle exercé par l’État.

 

En effet, la décentralisation n’a jamais été synonyme de liberté totale et sa limite relève du contenu de la loi qui s’impose aux exécutifs. Sa bonne application relève aussi du contrôle de légalité exercé par le préfet et des décisions des juridictions administratives, voire judiciaires.

 

Finalement, et c’est ce qu’il faut retenir, les déclarations d’intention des exécutifs territoriaux et leurs décisions sont impérativement soumises au respect du principe de légalité (issu de la loi et des décrets d’application).

 

Un maire ou un Président ne fait donc pas ce qu’il veut !

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