Protection fonctionnelle : s’applique-t-elle en cas de faute personnelle d’un agent public ?

Protection fonctionnelle : s’applique-t-elle en cas de faute personnelle d’un agent public ?

Le droit à la protection fonctionnelle est une garantie essentielle pour les agents publics. Mais qu’en est-il lorsqu’un agent est mis en cause pour des faits relevant d’une faute personnelle ? La frontière entre faute de service et faute personnelle soulève des questions juridiques importantes, parfois sources d’incertitude et d’inégalités de traitement.


Un cadre général défini par le Code Général de la Fonction Publique


Le Code Général de la Fonction Publique (CGFP) prévoit que tout agent public bénéficie, à l’occasion de ses fonctions, d’une protection organisée par son employeur public (articles L.134-1 et suivants). Cette protection est également accessible aux anciens fonctionnaires, agents contractuels, agents élus, ainsi qu’aux ayants droit en cas de décès.

 

Elle s’applique lorsque les faits en cause ont un lien direct avec les fonctions exercées dans le cadre d’une collectivité ou d’un établissement public. Une protection spécifique est prévue pour certaines professions, comme les sapeurs-pompiers, les policiers municipaux ou les gardes champêtres, au titre du Code de la sécurité intérieure (article L.113-1).

 

Un dispositif destiné à protéger les agents face aux attaques


L’objectif de la protection fonctionnelle est double : faire cesser les attaques (y compris par des mesures préventives) et réparer les préjudices subis par l’agent (matériels, moraux, financiers). Elle peut inclure l’assistance d’un avocat, le remboursement de frais engagés ou d’autres mesures adaptées.

 

Elle s’applique également lorsqu’un agent est convoqué dans le cadre d’une audition libre durant une enquête pénale, même en l’absence de mise en cause formelle.

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Un champ d’application élargi, avec quelques exceptions


Tous les agents publics sont éligibles à la protection fonctionnelle, quel que soit leur statut ou le mode d’accès à leurs fonctions. Cela inclut également les agents publics élus, lorsqu’ils agissent dans le cadre de leurs missions.

 

La protection peut aussi bénéficier aux collaborateurs occasionnels du service public, c’est-à-dire aux personnes qui prêtent leur concours de manière ponctuelle à une mission de service public, même sans lien statutaire. Cela peut concerner, par exemple, une personne qui intervient spontanément ou sur réquisition lors d’une mission de secours aux personnes ou aux biens (CE, 13 janvier 2017, n°386799).

 

En revanche, la protection fonctionnelle ne couvre pas les faits liés à l’exercice d’un mandat syndical, celui-ci étant distinct des fonctions exercées dans le cadre d’une instance représentative du personnel (CAA Bordeaux, 6 juillet 2020, n°18BX04050).

 

Une limite majeure : la faute personnelle


La protection fonctionnelle ne s’applique pas en cas de faute personnelle, c’est-à-dire lorsqu’un agent agit :

  • En dehors du service (par exemple, une agression ou un vol),
  • De manière incompatible avec ses fonctions,
  • Ou lorsqu’il commet une faute particulièrement grave ou intentionnelle, y compris dans le cadre du service (ex. : harcèlement, insultes, détournement de fonds publics).

Exemple : des propos injurieux ou une altercation physique avec un collègue ou un usager, s’ils excèdent le cadre professionnel habituel, peuvent être considérés comme une faute personnelle détachable du service. La collectivité peut alors refuser la protection et demander à l’agent de rembourser les sommes versées à la victime.

 

Ce que dit la jurisprudence


La jurisprudence administrative distingue faute personnelle et faute de service :

  • La faute de service est commise dans l’exercice des fonctions, avec les moyens du service, sans intérêt personnel. Elle engage la responsabilité de l’administration devant le juge administratif.

Exemples de faute de service :

  • Défaut de surveillance d’enfants dans une école,
  • Mauvaise signalisation sur la voie publique par les services techniques,
  • Erreur dans l’instruction d’un dossier administratif.

Dans ces cas, la collectivité indemnise les victimes, mais elle peut ensuite engager une action en remboursement (dite "action récursoire") contre l’agent s’il a également commis une faute personnelle ayant contribué au dommage.

 

La collectivité peut aussi engager une procédure disciplinaire en parallèle, mais les frais liés à cette procédure ne sont pas couverts par la protection fonctionnelle.

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Un cadre juridique parfois flou, source d’inégalités


Certains cas restent juridiquement complexes : une faute peut avoir un lien avec le service tout en étant qualifiée de personnelle, ce qui complique l’accès à la protection fonctionnelle. Ce flou juridique permet à certaines collectivités de refuser abusivement la prise en charge, au détriment d’agents déjà en difficulté.

 

L’UNSA Territoriaux déplore cette insécurité juridique et demande, depuis plusieurs années, une clarification de ces notions dans le CGFP, ainsi que la création d’une instance de médiation ou de recours, pour prévenir les refus injustifiés et garantir un accès équitable au droit à la protection.