Visite médicale des agents territoriaux : un décret qui réduit le suivi de droit commun
Le décret n° 2025-1193 du 8 décembre modifie en profondeur les règles de suivi médical des agents territoriaux. Il acte avant tout un allongement significatif de la périodicité des visites médicales pour la majorité des agents, rompant avec un cadre protecteur existant depuis de nombreuses années dans la Fonction Publique Territoriale (FPT). S’il introduit une logique de différenciation élargie, indépendante des filières et des catégories, cette évolution ne compense pas la diminution du suivi médical de droit commun.
Avant le décret : un suivi médical régulier et protecteur
Jusqu’à l’entrée en vigueur de ce nouveau texte, les règles applicables dans la fonction publique territoriale reposaient sur un principe simple et protecteur : une visite d’information et de prévention obligatoire au minimum tous les deux ans pour l’ensemble des agents.
Ce suivi régulier permettait :
- un contrôle fréquent de l’adéquation entre le poste et l’état de santé ;
- une détection précoce des situations d’usure professionnelle ;
- un rôle actif de prévention générale, y compris pour des agents n’occupant pas des postes officiellement « à risques ».
Ce cadre était complété par :
- une surveillance médicale particulière pour certains agents ;
- la possibilité de visites à la demande de l’agent ou de l’employeur ;
- un rôle étendu de la médecine du travail dans l’aménagement des postes et l’action sur le milieu professionnel
Ce que change le décret : un allongement marqué du suivi de droit commun
Le décret modifie profondément cette architecture. Désormais, pour la majorité des agents territoriaux ne relevant pas d’une situation particulière, la règle devient : une visite d’information et de prévention au minimum tous les 5 ans.
Il s’agit d’un changement majeur, qui réduit fortement la fréquence du contact entre les agents et les services de médecine du travail.
Ce recul concerne potentiellement des agents exposés à :
- des contraintes organisationnelles fortes,
- des rythmes de travail soutenus,
- des facteurs de pénibilité non classés comme « risques particuliers »,
mais dont les effets sur la santé sont bien réels.
Un suivi prétendument renforcé, en réalité réservé à des situations ciblées
Pour certains agents, la visite d’information et de prévention est organisée au minimum tous les quatre ans, complétée par une visite intermédiaire deux ans plus tard, ce qui revient en pratique à maintenir une périodicité de deux ans, sous une forme plus complexe... Vous avez dit simplification ?
Sont concernés :
- les agents en situation de handicap ;
- les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitantes ;
- les agents réintégrés après un congé de longue maladie ou de longue durée ;
- les agents affectés à des postes exposant à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, tels qu’identifiés dans la fiche des risques professionnels ;
- les agents souffrant de pathologies particulières ;
- les agents dont le poste ou les conditions de travail ont été aménagés pour des raisons liées à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé ;
- les agents engagés dans une période de préparation au reclassement pour inaptitude.
Cette liste ne crée donc pas un nouveau droit : elle vise à préserver, pour les agents les plus fragiles ou exposés, un niveau de suivi proche de celui qui existait auparavant pour l’ensemble des agents.
Le seul élément d’évolution notable réside dans le fait que cette protection n’est plus fondée sur l’appartenance à une filière ou à une catégorie, mais sur la situation réelle de l’agent. Ce point positif ne saurait toutefois masquer le recul général du suivi médical.
Ce mécanisme confirme que le gouvernement a fait le choix d’une rédaction complexe pour maintenir un suivi rapproché pour certains agents, tout en affichant officiellement une simplification et un allongement des délais.
L’analyse de l’UNSA Territoriaux
Pour l’UNSA Territoriaux, ce décret :
- réduit clairement le niveau de protection collective, en passant de 2 à 5 ans pour le suivi de droit commun ;
- introduit des garde-fous ciblés, mais insuffisants pour compenser ce recul ;
- repose excessivement sur l’appréciation médicale individuelle, sans garantie de moyens ;
- risque d’accroître les inégalités de suivi entre collectivités et entre agents.
Si la fin de la distinction par filière ou catégorie constitue une évolution bienvenue, elle ne doit pas masquer l’essentiel : la prévention repose sur la régularité, pas uniquement sur la réaction à des situations déjà dégradées.
L’UNSA Territoriaux appelle donc à :
- une vigilance accrue des représentants du personnel en CST et en formations spécialisées ;
- un recours effectif au dialogue social local pour définir des périodicités plus protectrices ;
- le maintien d’un suivi médical réellement accessible et effectif pour tous les agents.
Ce décret acte donc un recul du suivi médical de droit commun, partiellement encadré par des exceptions et des mécanismes correctifs. Pour l’UNSA Territoriaux, la santé des agents ne peut être traitée comme une variable d’ajustement organisationnelle. La prévention nécessite du temps, de la régularité et des moyens... trois éléments que ce texte fragilise.

Pierre D'ANDREA 




