Jean-Pierre LUSSOU Secrétaire national En charge des retraites
RAPPORT SUR LA REFORME DES RETRAITES
HISTORIQUE
Régulièrement, lors de nos réunions, nous abordons le dossier des retraites, car nous savons depuis déjà bien longtemps qu’il s’agit d’un dossier sensible et relativement fragile, et pourtant quoi de plus naturel que d’aspirer à pouvoir, le moment venu, bénéficier d’une retraite bien méritée tout en conservant un revenu décent.
En 2003 a eu lieu une réforme dite importante. Cette réforme qui nous avait été présentée comme devant assurer la pérennité de nitre système de retraite, avait, pour les fonctionnaires, eu les conséquences suivantes :
Le verrou des 37,5 annuités avait sauté, pour augmenter de 6 mois pas an et s’aligner ainsi sur les règles du privé (40 actuellement, le nombre prévu étant de 41,5 en 2020)
La règle des décotes et surcotes avait été instaurée pour inciter à partir en retraite le plus tard possible. Cette mesure était déjà une remise en cause, de manière incitative bien non obligatoire, de l’âge de départ à 60 ans.
D’autres modifications avaient opérées, notamment en matière d’avantages familiaux.
Je tiens aussi à souligner que dans cette réforme 2003, certaines mesures législatives, ont été imposées à titre rétroactif. En effet, cette loi a été publiée JO du 21 août 2003, tandis que certaines mesures, par exemple l’obligation justifier des arrêts d’activités pour pouvoir bénéficier des bonifications d’annuités pour les enfants ont été appliquées aux dossiers non liquidés au 28mai 2003.
Si je dis cela, ce n’est pas pour en faire un effet anecdotique, bien au contraire, c’est que nous soyons bien conscients que les effets de la réforme à venir peuvent donner lieu à une application très rapide, et à chacun de nous d’en tenir compte si nous sommes en situation d’avoir des décisions à prendre en ce domaine.
Certes, le Gouvernement a promis, dans sa note du 16 mai, que les mesures à venir seront progressives, mais je me permets de demeurer très circonspect sur cette promesse.
Cette réforme 2003, nous avait-on dit à l’époque, devait régler le problème du financement des retraites sinon à titre définitif, du moins pour une longue période.
Mais patatras, les choses ne sont pas aussi simples : l’équilibre financier de nos systèmes de retraites n’a cessé de se dégrader, et si l’on n’y fait rien, le déficit attendu en 2020, sera de l’ordre de 30 milliards d’euro par an !!! d’où vient ce déficit ? En grande partie de raisons conjoncturelles
la crise économique et financière,
la montée du chômage et la baisse de la productivité qui en résulte. Qui dit augmentation du nombre de chômeurs, dit évidemment baisse des cotisations, tandis qu’au contraire les dépenses des assurances de chômage augmentent.
l’évolution démographique avec le baby-boom, qui fait qu’actuellement, il n’y a qu’1,45 actif pour un retraité, alors qu’il y en avait 3,14 en 1975 !
Les assauts répétés des détracteurs de la réforme 2003, et notamment
le MEDEF qui la jugeaient trop timorée en regrettant notamment que le mode de calcul de la retraite des fonctionnaires n’avait pas été remise en cause
les lobbies de l’assurance qui jugeaient que cette réforme ne faisait pas une assez belle place au soleil pour les différentes formules de plans d’épargne individuels ou collectifs.
La loi de 2003 prévoyait qu’on effectue un point d’étape en 2010. Compte tenu du déficit annoncé, le gouvernement a finalement décidé de transformer ce point d’étape en étape de réforme, ce qui n’était pas prévu initialement et qui est évidemment fort différent de l’esprit de la loi de 2003.
Comme le Sénat avait souhaité qu’on examine la possibilité de passer de notre système actuel d’annuités en système de retraite par points, ou système dit notionnel.
Dans ses propositions, le Gouvernement n’écarte pas une évolution vers ces systèmes, mais en tout état de cause, cette évolution ne fera pas partie de la réforme 2010. Je ne m’étendrai donc pas davantage sur ce point technique. Disons quand-même que les systèmes de retraite par points ou notionnels prennent en compte la totalité de la carrière, et non pas simplement les 6 derniers ou les 25 meilleurs années. Chaque mois de salaire est pris en compte, ce qui évidemment n’est pas très favorable pour les carrières accidentées !
La RETRAITE DES FONCTIONNAIRES :
Le système de retraite du privé au titre du régime général ou des fonctionnaires est donc dans les 2 cas, un système par annuité, c’est-à-dire que la retraite dans les 2 cas résulte d’un taux (résultant de la durée d’activité) et d’un montant de référence, qui est
Dans le privé les salaires des 25 meilleures années de la carrière
Pour les fonctionnaires, le traitement correspondant à l’indice des 6 derniers mois.
Il est clair que si l’on prend des 2 chiffres à l’état brut, on peut comprendre le sentiment de jalousie qu’on ressent chez les gens du privé. C’est pour cette raison qu’il faut bien évidemment rappeler que pour les fonctionnaires, seul le traitement de base est pris en compte pour les cotisations et par voie de conséquence, pour le calcul de la retraite….et ce n’est pas la retraite additionnelle qui y va changer quelque chose, du moins dans les prochaines années. Il faut en effet être bien conscient que les cotisations n’ont pour assiette que les éléments accessoires de la rémunération (quand il y en a) et dans la limite de 20% du traitement indiciaire. De plus le taux de cotisation est dérisoire (10% répartis par moitié entre employeur et employé).
De toutes manières, il faut être clair : l’essentiel n’est pas de savoir si l’on prend en compte les 6 derniers mois, ou les 25 meilleures années ! ce qui compte, c’est finalement le taux de remplacement, c’est-à-dire le montant de la retraite par rapport au montant du dernier salaire NET, toutes indemnités comprises, et là, constate qu’en fait dans le privé ou dans le public, le taux de remplacement est quasiment identique.
Au niveau de la réforme 2010, le Gouvernement a abandonné l’idée d’aligner les retraites des fonctionnaires sur la règle des 25 meilleures années.
Ceci étant dit, il ne faut pas se fermer les yeux : la situation générale des caisses des retraites est mauvaise et si l’on n’y fait rien, elle ne peut que se dégrader dans les années à venir. Ceci est une évidence, même si pour sa part la CNRACL est dans une situation moins mauvaise que les autres. Il faut se rappeler en effet que le montant des compensations prélevées par l’Etat sur notre caisse pour financer les autres régimes de retraites (dont celles du privé) – de 1974 à 2007 – se monte à 56 milliards d’euro. Nous ne sommes pas contre la solidarité entre régimes, mais, de grâce, que l’on arrête de proclamer des contre vérités au niveau des retraites des fonctionnaires.
En 2008, nous constatons que notre régime a été encore excédentaire : cotisations s’élevant à 15,1 Md€ pour des prestations se montant à 12 Md €, ce qui a permis à l’Etat de ponctionner 2,5 Md€..!
Il n’empêche que le déficit budgétaire de notre pays est tel que ne rien faire, aurait pour conséquence d’alourdir encore la dette que nous laisserons à nos enfants.
Déficit 2010 des retraites : 10 milliards d’€
Déficit budgétaire 2010 : 116 milliards, soit 8,5% du PIB (soit 240€ pour une famille dont les recettes seraient de 2000€)
Dette publique : 1 500 milliards
L’UNSA qui se veut un syndicat réformiste et réaliste a dit depuis déjà longtemps que notre système de retraite doit être financé, et a formulé ses propositions dès le mois de Mars. Même si vous les connaissez déjà, il est quand même nécessaire de les rappeler brièvement :
Les exigences de l’UNSA-TERRITORIAUX et de l’UNSA
Le Bureau exécutif de la fédération, lors de sa réunion du 10 mars dernier, et le Conseil national de l’UNSA, lors du CN du 26 mars, ont défini comme suit, les exigences primordiales qui seront les nôtres
1) remettre en cause la loi TEPA, que ce soit pour le bouclier fiscal ou l’exonération des heures supplémentaires (1,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires)
2/ mettre fin aux exonérations de charges sociales non compensées (1,2Mds)
3/ taxer l’intéressement et la participation avec un coût pour les entreprises proche de celui résultant des cotisations patronales assises sur les salaires. Porter ainsi de 4% à 15% le forfait social sur l’intéressement rapporterait environ 1Mds d’euros
4/ augmenter, dans ce contexte, ainsi créé, d’effort partagé, la CSG de 1 point, la recette pouvant être répartie entre l’assurance maladie et les retraites, ce serait logique pour prendre en compte les dépenses spécifiques relevant d’une logique de solidarité
5/ rendre effective, début 2011, l’augmentation de 0,3 point de la cotisation vieillesse, qui, à la suite du rendez-vous sur les retraites de 2008, aurait dû entrer en vigueur au début 2009 ;
A elles seules, ces mesures produiraient de l’ordre de 10 milliards d’euros par an.
6) L’UNSA demande aussi que soient revisités les 30 milliards d’euros d’exonérations de charges sociales compensées par le budget de l’Etat, sur la base d’une évaluation sérieuse de leur efficacité en matière d’emploi. En tout état de cause et sans attendre, elle demande d’en bloquer le montant à celui aujourd’hui atteint.
7) l’UNSA demande enfin de renforcer la croissance et l’emploi, seul moyen efficace de régler durablement le problème.
La réforme doit concerner tous les régimes : la situation actuelle, tous régimes confondus, doit être remise à plat, afin que cette réforme, nécessaire, se fasse dans l’équité. Aucune catégorie sociale ne doit être considérée comme exempte d’effort. Quand je dis « toute catégorie », je pense bien sûr et en premier lieu à ceux qui vont voter la réforme, à savoir les députés dont la caisse de retraite reflétait en 2003, un déficit de 65% soit 43 millions d’euro sur une année, déficit évidemment épongé par le vaillant contribuable. Il faut aussi savoir qu’un député, pour 7 ans de cotisation, perçoit une retraite de 2400€/mois, et perçoit une retraite pleine soit plus de 6000€ pour 22,5ans. Oh bien sûr, ils nous disent qu’ils cotisent double, mais est-ce bien difficile pour eux, puisque c’est eux qui fixent le niveau de leur salaire ?
Nous estimons aussi que les salaires de doivent être la seule base de calcul des cotisations. Depuis des décennies et grâce aux progrès techniques, la main d’œuvre humaine a souvent été remplacée par des « machines ». Ces dernières sont bien le produit du travail de l’Homme, elles participent à la richesse de l’Entreprise qui les utilise, et par voie de conséquence, à la rémunération des actionnaires et salariés de l’Entreprise. Pourquoi dans ces conditions, « ces machines » ne participeraient-elles pas au financement des retraites qui, ne l’oublions pas, sont des salaires différés ? Bref, et nous ne sommes pas les seuls à l’UNSA, à émettre cette suggestion, pourquoi les cotisations retraites ne seraient-elles pas financées sur des cotisations assises sur des recettes d’activités, et non pas simplement sur les salaires ?
Le 16 mai pour le Gouvernement a fait connaître, non pas ses propositions de réforme, mais ses orientations.
LE PARTI SOCIALISTE pour sa part,
A présenté le 18 mai, ses propres solutions face à un problème dont il est également conscient
Globalement, les propositions du Parti socialiste sont nettement plus proches des vues de l’UNSA que celles du Gouvernement, et de l’UMP, à ceci près toutefois, qu’il est plus facile de faire des promesses quand on est dans l’opposition que quand on est au Pouvoir
Depuis le 16 mai, c’est presque quotidiennement que la Presse fait état de soi-disant « informations », à la suite de déclarations de tel ou tel ministre. Ce sont en fait des ballons d’essai volontairement distillés, pour tester les réactions des partenaires sociaux. Ces ballons d’essai, pour la plupart, avaient aussi pour but de mettre le doigt sur des particularités du système de retraite des fonctionnaires (les 6 derniers mois, cotisation salariale inférieure à celle du privé, par exemple) afin de recueillir l’appui de l’opinion publique, toujours disposée à taper sur les fonctionnaires ! Il y avait aussi bien sûr le congrès de la CFDT, cette centrale syndicale que le Pouvoir voulait ménager pour obtenir de sa part une attitude relativement conciliante, comme en 2003.
Quoiqu’il en soit, il a fallut attendre le 16 juin pour connaître le teneur ou du moins les grandes lignes de la réforme, telle que le Gouvernement veut nous l’imposer. Vous en avez déjà eu connaissance pour la plupart.
Je vous les rappelle néanmoins !
1 - L’âge légal de départ à la retraite sera porté à 62 ans en 2018, contre 60 ans aujourd’hui.
Cette augmentation sera progressive pour ne pas bouleverser les projets de vie des Français proches de la retraite :
l’âge augmentera de 4 mois par an, à partir du 1er juillet 2011, pour atteindre 62 ans en 2018 ;
cette augmentation se fera par année de naissance : ceux qui sont nés après le 1er juillet 1951, et qui pouvaient partir à la retraite à 60 ans l’année prochaine devront travailler 4 mois de plus ; ceux qui sont nés en 1952 8 mois de plus, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’on atteigne 62 ans en 2018 pour les assurés nés en 1956.
Le relèvement de deux ans de l’âge légal de départ s’appliquera de la même façon aux catégories actives (dont l’âge actuel de départ est de 50 ou 55 ans)
2 - Le nombre d’annuités de cotisation sera de 41 ans et 3 mois en 2013, et 41 ans et 6 mois en 2020, puis évoluera en fonction de la durée de vie.
3 - Parallèlement à l’augmentation de l’âge légal, l’âge du « taux plein », c’est-à-dire l’âge à partir duquel la décote s’annule, aujourd’hui fixé à 65 ans, sera progressivement relevé de 2 ans.
4 - les 60 ans resteront l’âge de départ à la retraite de ceux qui sont usés par leur travail.
a) Le dispositif « carrières longues », qui a constitué une avancée sociale considérable de la réforme Fillon, sera poursuivi et même élargi aux salariés qui ont commencé à 17 ans.
b) les assurés dont l’état de santé est dégradé à la suite d’expositions à des facteurs de pénibilité garderont la retraite à 60 ans, mais en plus avec une retraite à taux plein quel que soit leur nombre de trimestres. Il s’agit d’un droit nouveau A TITRE INDIVIDUEL dans le système de protection sociale.
5– RECETTES nouvelles
a) Prélèvement de 3,7 milliards d’euros de recettes nouvelles, soit 4,4 milliards d’euros en 2018, principalement sur les hauts revenus, les revenus du capital et les entreprises.
b) Mesures de rapprochement des règles entre public et privé sont également prévues.
1 - Le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné sur celui du secteur privé : Il passera en 10 ans de 7,85 % à 10,55
2 - Deuxième mesure de convergence, la retraite anticipée sans condition d’âge pour les parents de 3 enfants ayant 15 ans de service sera fermé à compter de 2012.
Les parents de 3 enfants au 1er janvier 2012 pourront continuer de partir, sous réserve d’avoir 15 ans de service à la date de la réforme.
3 - Dernière mesure de convergence, le minimum garanti ne sera désormais soumis à la même condition d’activité que dans le secteur privé. Les fonctionnaires bénéficient de ce minimum dès qu’ils atteignent l’âge d’ouverture des droits, même s’ils n’ont pas tous leurs trimestres. Dans le secteur privé, un salarié doit attendre l’âge du « taux plein » (65 ans).
Je pense vous avoir dit tout ce que, à la date d’aujourd’hui, nous savons. Il est clair que nous ne savons pas tout de cette réforme 2010……avant que le projet ne soit soumis au Conseil des Ministres en juillet, puis au Parlement en septembre, il y aura encore des arbitrages et ces arbitrages seront aussi fonction de la réactivité des travailleurs, et de la capacité des organisations syndicales à motiver « nos troupes », notamment à l’occasion des manifestations du 24 juin.
Visiblement le Gouvernement refuse d’ouvrir le dossier sensible et complexe de la pénibilité au travail, se contentant d’envisager uniquement des mesures d’ordre individuel, étudiées et prises au cas par cas, en fonction de l’état de santé de certains agents (et selon des critères a priori très réducteurs liés à un taux d’invalidité).
Nous constatons objectivement que cette réforme, contrairement à ce que voudrait nous faire croire la communication gouvernementale, n’est ni juste, ni équitable, car elle s’attaque une fois de plus aux femmes (par la suppression du droit au départ anticipé pour les mères de trois enfants notamment) et aux plus bas salaires (fin du « minimum garanti » et convergence vers les règles du secteur privé moins favorables). Les agents de catégorie C de la fonction publique seront donc à l’évidence les plus pénalisés par cette mesure !
Si le relèvement du taux de cotisation (étalé sur 10 ans) s’avère cohérent, il est hors de question que ce soient les agents publics qui en subissent les conséquences, par une nouvelle perte de leur pouvoir d’achat. Pour l’UNSA Fonction publique, c’est à l’employeur public qu’il revient de payer, en compensant ce différentiel.